Jocelyne

1944. Un an après ma naissance, les femmes obtiennent enfin le droit de vote, premier pas vers plus d’égalité. Le chemin était tracé il fallait savoir le prendre et je l’ai pris. Oui, j’ai eu cette chance incroyable d’être de celles qui ont contribué à faire avancer les droits des femmes et quels droits!
Celui de décider de son corps, d’avoir des enfants si l’on veut et quand on veut : légalisation de la contraception, de l’avortement et l’égalité homme femme dans le code civil, disparition de la notion de chef de famille, responsabilités partagées dans l’éduca-tion des enfants et même s’il reste beaucoup à faire, la reconnaissance du principe « à travail égal, salaire égal ».
Au fond, toute ma vie a été marquée par le combat contre les injustices. Toutes les injustices : celles du mal logement qui a bercé mon enfance ; celles des conditions de vie très modestes de ma famille qui brisèrent mes rêves d’entrer au lycée pour devenir professeur d’histoire ou sage-femme et me vit entrer à 16 ans dans le monde du travail au Crédit Lyonnais. Mais prête à agir pour faire valoir mes droits.
Pour cela aucune difficulté car il est vrai que j’ai été à bonne école, l’esprit en éveil dès ma plus tendre enfance sur les injustices du monde dont mon père me parlait. D’abord, celles de la guerre dont il fallait ne plus jamais accepter les horreurs qu’il avait connues ; celles des tranchées de la 1re Guerre puis celles des camps de prisonniers de la seconde. Ensuite, le monde du travail, où il convenait de ne jamais baisser la tête, de refuser l’inacceptable et se battre pour faire valoir ses droits. Si mon père homme du 19e siècle (il est né en 1895) s’affirmait un homme de progrès pour la conquête de nouveaux droits et voulait que ses filles apprennent un métier comme ses fils, il restait imprégné de mentalités anciennes. C’est ainsi qu’il n’acceptait pas qu’elles puissent comme ses fils sortir le soir. Ce fut le grand « conflit » pour l’égalité homme-femme qui m’opposa à lui lorsque je devins militante; conflit qui perdura dans ma vie d’épouse, non que mon mari se soit opposé à mes engagements puisqu’il les partageait, mais ce qu’il ne partageait pas, c’étaient toutes les tâches de la vie quotidienne ainsi que la garde des enfants.
C’est au prix de nuits très courtes et d’une organisation minutieuse de chaque journée que je réussis à tout assumer. Mais comme beaucoup de femmes de ma génération qui accédèrent à des responsabilités importantes – politique comme élective – 12 années de mariage se conclurent par un divorce. C’est donc, seule que j’ai assumé l’éducation de mes 2 fils à qui je peux dire au¬jourd’hui ma joie et ma fierté de voir ce qu’ils sont devenus, de voir dans leurs actes, la conviction qu’ils ont acquise comme le disait si bien Louis Aragon que « la femme est l’avenir de l’homme », de la place qu’elle doit prendre à égalité avec les hommes dans le monde du travail comme dans la vie publique et politique.
J’en tire l’enseignement que l’évolu¬tion des mentalités passe aussi par la façon dont les mères élèvent leurs fils.
Bagnolet, ma ville, fut la première et la seule ville de France jusqu’en 1977, à se doter d’une femme Maire – Jacqueline CHONAVEL. Incontesta¬ble¬ment cet évènement fut un cataly¬seur. Cette femme faisait la démons¬tra¬tion de ce que les femmes pou¬vaient apporter à la vie politique et en particulier à la gestion d’une ville. C’est dans son sillage que je devins Maire-Adjointe en 1971 dans un conseil municipal qui ne comptait pas moins de 49% de femmes alors que souvenez-vous la loi sur la parité n’exis¬¬¬tait pas. Mais comme rien n’est définitivement acquis ce pourcentage recula au fil du temps, ce qui prouve combien la loi sur la parité est la bienve¬nue pour aider à faire évoluer les mentalités.
Maire-adjointe, puis conseillère régionale d’Ile-de-France et enfin Vice-présidente de cette région de plus de 11 millions d’habitants, j’ai mis mes mandats à la disposition de celles et ceux qui luttent pour de meilleures conditions de vie, pour plus de justice, d’égalité, de fraternité et de Paix en ayant toujours en tête de ne jamais oublier celles et ceux qui m’ont confié ces mandats car il faut bien avoir conscien¬ce que sans eux nous ne sommes rien. Ce n’est pas sans émo¬tion que j’évoque les luttes me¬nées avec les Bagnoletais pour l’obtention de la couverture de l’autoroute A3 et la création du lycée polyvalent. Ces luttes se sont avérées victorieuses avec l’arrivée de la gauche au Conseil Régional d’Ile-de-France en mars 1998. J’ai, il faut bien le reconnaître une certaine fierté d’avoir pu y contribuer.

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