Le Parisien | 08 Juin 2015, 18h36
Les anciens de Bagnolet révélés par une photographe
Le Parisien | 08 Juin 2015, 18h36
« Moi aussi j’ai été jeune mais vous ne le voyez plus. » Avec son regard affûté de photographe, Nathalie Rouckout a exploré cette sensation et conçu un projet artistique. Deux ans de travail et au final une série quatorze portraits de personnes âgées exposés à la médiathèque de Bagnolet jusqu’au 19 septembre.
Tous sont des Bagnoletais. Sur chaque cliché, ils tiennent entre leurs mains une photo d’eux prise dans leurs jeunes années. Plus que de simples images, ce sont des mémoires vives qui défilent sur les murs : cette œuvre photographique est enrichie par des vidéos dans lesquelles chaque sujet rembobine ses 74, 80 voire 92 printemps. « C’est un hommage à nos anciens. Quand on les regarde on a envie de vieillir », souligne Nathalie Rouckout. Le message s’adresse notamment « aux jeunes générations qui ont du mal à imaginer que ces personnes ont eu un métier, une vie sentimentale, je voulais changer ce regard », explique auteur qui a travaillé avec la vidéaste Corinne Dardé. Ainsi Jacqueline, André, Josette, Jocelyne, Lolita, Zorah… ont répondu à une petite annonce. Le bouche à oreille a fait le reste. « J’ai découvert comme j’étais belle quand j’étais jeune alors que je ne le pensais pas à l’époque », lance Jocelyne Riou, 72 ans, ancienne adjointe au maire engagée pour le droit des femmes. « Après cette expérience, j’ai commencé à écrire une lettre à mes petits-enfants pour leur raconter ma vie, je veux qu’ils connaissent leurs racines. » Il y a aussi Josette, coquette dans son pull rouge vermillon et ses lèvres de la même couleur. Elle a conservé le même regard brun et volontaire que sur la photo de ses vingt ans. Jean-Jean « la patate » car il vendait des pommes de terre, posant jeune homme dans son maillot de lutteur. Jocelyne Riou, ancienne adjointe PCF, fait partie de l’exposition. (LP/N.R.) Une place toute particulière est réservée à André, 80 ans, décédé depuis. Son évocation émeut la photographe. Car au fil des mois, la jeune femme, originaire de Pantin, est entrée dans leur intimité. Pendant ces deux années, la photographe s’est faite confidente, révélant des souvenirs refoulés. André n’avait jamais raconté ses années de jeune appelé pendant la guerre d’Algérie. Il livre pour la première fois un terrible témoignage sur sa vie de simple soldat. Quand il était revenu en métropole il ne pesait que 50 kg et avait sombré dans une dépression. Mais, ce récit émouvant n’est pas larmoyant. Après la médiathèque de Bagnolet, l’exposition voyagera dans le réseau des bibliothèques de Seine-Saint-Denis. Nathalie Rouckout espère que son expo sera une source d’inspiration plus vaste. « Je veux continuer à recueillir d’autres témoignages et donner l’idée à d’autres villes de poursuivre mon travail. »